lunes, 13 de julio de 2015

Béjart et le BBL : une soirée d'exception au festival de Peralada

Grande soirée que celle d'hier au festival de Peralada avec à l'affiche le Béjart Ballet Lausanne. Il y a en effet quelque chose d'inimitable et d'unique qui se dégage de cette compagnie. Béjart nous a quitté il y a 8 ans déjà et pourtant il était là hier soir. Sa présence était palpable. Le caractère intemporel de sa danse et de ses chorégraphies ainsi que le travail formidable de Gil Roman et des danseurs et danseuses pour faire perdurer son oeuvre n'y sont sans doute pas étrangers.
Le programme, particulièrement bien choisi et articulé, proposait un bel équilibre entre l'héritage de Maurice Béjart et la nécessité pour la compagnie de continuer son travail de création.

Le rideau et la soirée s'ouvre sur 7 danses grecques. Crée en 1983, cette pièce n'a pas pris une ride et étonne même pas sa modernité. La plus pure technique classique est ici sublimée pour devenir un petit chef d'oeuvre chorégraphique d'une belle originalité. Sur des musiques de Mikis Theodorakis, Béjart a imaginé une danse épurée et virtuose mettant tout particulièrement en valeur les danseurs de la compagnie. Tout passe par la danse et les émotions qu'elle transmet. Pas de costumes tape-à-l'oeil mais des justaucorps noirs ou blancs pour les filles et pantalons noirs ou blanc pour les garçons.

"Pour ces «danses grecques», j’ai cherché à limiter au maximum les emprunts à des «pas» authentiquement grecs. Certaines danses en contiennent deux ou trois; d’autres pas du tout et ce sont certainement les plus réussies, les plus grecques!" Maurice Béjart

On retrouve la Grèce, une Grèce intemporelle où les danseurs ne sont pas sans rappeler les dieux grecs de l'Antiquité et où le soleil et la mer sont omniprésents. Le début de l'oeuvre nous met de suite en condition avec des mouvements imitant les vagues. On se croit vite en bord de mer, presque en vacances.
Les danses masculines sont spectaculaires et regorgent de mille et une trouvailles chorégraphiques qui transforment des pas d'école classique en un chef d'oeuvre original et moderne. On ne s'ennuie pas une seule seconde et on a le sourire aux lèvres tout le temps. Ca sent le soleil, la mer et la joie de vivre et de danser.
Le public a été littéralement envoûté par la présence d'Oscar Chacón et la virtuosité des ses sauts.
Mari Ohashi, que je voyais danser pour la 1ere fois, était sublime dans le 1er pas de deux avec Kwinten Guilliams.
Le pas de trois avec Kateryna Shalkina, Mari Ohashi et Aldriana Vargas López aux pointes vives et acérées était à couper le souffle.


Crédit photo Toti Ferrer


On reste chez les Dieux et Déesses avec Bahkti III, pas de deux sans doute le plus connu (et régulièrement donné en gala) du ballet crée en 1968 sur des musiques traditionnelles indiennes.
Bahkti III évoque Shakti et Shiva. Si Shiva est le Dieu de la destruction (mais ce qui est détruit sera reconstruit), il est aussi et peut-être surtout le Dieu de la Danse.
Pas de danse traditionnelle ici non plus mais du classique et des pointes sur de la musique carnatique hindoue. Le résultat est détonnant et abouti à un mélange de virtuosité et de sensualité absolument envoûtant.
Marsha Rodríguez hypnotise son public grâce à une technique sans faille, un aplomb et une autorité de déesse et des jambes interminables qui siéent à ce type de chorégraphie et de costume (pas facile de porter un académique rouge). Elle crève la scène.
Fabrice Gallarrague n'est pas en reste non plus et lui offre une bonne réplique.

Crédit photo Toti Ferrer
Pour clôturer la 1ere partie, Gil Roman nous a offert une chorégraphie spécialement dédiée pour ce Festival. Cet Impromptu pour Peralada est une création intéressante et riche pour un danseur et un groupe de danseuses.
Les danseuses sont en scène quand le rideau se lève sur une scène au décor simple mais onirique. Des fumigènes ennuagent le plateau tandis que les lumières crues donnent une ambiance crépusculaire à l'envirronnement. Les danseuses sont habillées de robes beiges et marron. Le tout donne un style tribal-urbain. Les danseuses quittent la scène et le danseur apparaît seul en scène en pantalon blanc au début de la pièce sur une musique de Satie. Sa gestuelle rappelle celle de Béjart et de 7 Danses grecques. Tout est épuré et doux. A l'inverse, le choix musical et la chorégraphie des danseuses sont plus "sauvage". Deux mondes différents.
J'ai bien aimé voir des danses féminines "à la façon" des danses masculines. Les danseuses se rapprochent, s'éloignent, se font face, se combattent, se rejoignent, se rassemblent, entrent en contact sur une chorégraphie assez physique.
Elisabet Ros est magistrale dans son solo. Jasmine Cammarota, Alanna Archibald, Kathleen Thielhelm et Lisa Cano, à la fois raffinées et instinctives dans leur danse, captivent l'audience.
Gabriel Arenas Ruiz, le seul homme du ballet, tempère l'énergie du groupe par sa danse fluide et calme. Le contraste est artistiquement intéressant mais je n'en ai pas vraiment saisi le sens. Qu'importe. J'ai aimé voir cette belle énergie portée par ces 5 superbes danseuses. Ce n'est pas si fréquent devoir des groupes de femmes danser de cette façon.

Crédit photo: Toti Ferrer

Après l'entr'acte, le spectacle continue avec une pièce de Tony Fabre inspirée de Didon et Enée de Purcell: Histoire d'Eux.
Tony Fabre, qui nous a quitté en 2013, signait là une pièce forte et belle. Les bruits de l'orage et de la pluie qui accompagnent les messagers venus chercher Enée présagent de la fin tragique qui attend les amants. Julien Favreau et Elisabet Ros portent l'oeuvre avec beaucoup de sensibilité.

Pour terminer la soirée, que pouvait-on rever de mieux que le célèbre Boléro? Ballet mythique de Béjart et sujet de toutes les polémiques (chef d'oeuvre pour certain-e-s, vulgaire pour d'autres), Boléro ne laisse jamais indifférent. Si la pièce a pu défrayer la chronique pour son aspect sensuel, voire sexuel, elle n'en est pas moins un défi d'endurance d'une beauté artistique indéniable.
Elisabet Ros était la soliste ce soir. On voit tout de suite que ce n'est pas la 1ere fois qu'elle l'interprète et qu'elle est rôdée. Elle est sublime sur tous les plans. Tout est maîtrisé, travaillé, ciselé jusqu'au moindre détail. Elisabet Ros domine la scène et envoûte littéralement le public ainsi que les 38 danseurs autour d'elle par sa danse sûre, maîtrisée et sensuelle.




Une compagnie de danse exceptionnelle pour une soirée d'exception dans un cadre exceptionnel. Que demander de plus?

2 comentarios:

Anónimo dijo...

Je viens de commencer le week-end en beauté avec la lecture de ton article : merci pour ce très beau compte-rendu ! Et je me dis qu'au moment où je te lis, tu dois être en train d'admirer Sylvie Guillem, et je l'espère, de passer une aussi belle soirée de danse.

Emilie.

Terpsichore dijo...

Merci Emilie!
J'ai en effet pu admirer Sylvie Guillem. "Admirer" le terme n'et pas trop fort!
Compte rendu demain de cette autre soirée inoubliable.